La Plaine d'Arlette Philbois

Publié le par Guy Boulianne


Deuxième d'une famille de quatre enfants toutes des filles, elle a vu le jour au Havre le 22 février 1950, née d'une mère Normande et d'un père de nationalité Espagnole, un mélange entre le feu et la glace. Elevée jusqu'à l'âge de sept ans chez sa grand-mère paternelle qu’elle adorait à Saint Denis.
Sa mère travaillait, son père avait rejoint son pays au moment au Franco sévissait en Espagne. Il fût prisonnier pendant cinq longues années. Un manque que rien ne put combler dans le coeur d'une petite fille. A son retour ils étaient comme deux étrangers.
Elle a commencé son premier travail, à moins de quatorze ans, dans une usine de montage de poste de radio. Un apprentissage de la vie qui devrait revenir pour tous les jeunes de la nouvelle génération, entrer dans le monde des adultes forge le caractère.


Puis elle a grandi, son père devenu alcoolique, sa mère faisait ce qu'elle pouvait pour joindre les deux bouts dans le foyer. Les scènes étaient de plus en plus répétées, elle n’aspirait qu'à une chose, partir, fuir de ce cocon qui était devenu invivable.

1968... De ce fait le premier venu était le bon pour fuir, mais quelle erreur ! Elle l'a payé très cher. Mariée, au bout de deux années, un divorce s'en suivit avec la naissance de sa première fille Isabelle (1969). Naïve à cette époque, elle a perdu la garde de sa fille. Pendant de longues années, elle a énormément souffert de son absence.

Depuis 1969... Isabelle, n'a su son existence qu'à l'âge de 10 ans. L'entrevue s'est mal passée, elle pensait qu’elle l’avait abandonnée, alors que son père a tout fait pour l'en éloigner.

1989... Elles ont renoué les liens lors de la naissance de sa première fille Mélodie, c'était encore chaotique, elle se sépara de son compagnon. Puis se maria en 1999, avec Mario le père de son petit fils Estéban (2000).
Elle se rapprocha d’elle définitivement lors du décès de Ludovic son frère.

1971... Un autre homme est venu à sa rencontre, avec un destin tragique, qui est son mari aujourd'hui. Georges orphelin à l'âge de neuf ans, élevé par ses grands parents sans aucune affection. Leur rencontre fut l'union de deux coeurs isolés. Seul bémol dans leur histoire, Georges avait un penchant pour l'alcool. Elle l'aimait, faisait en sorte qu'il en prenne conscience, ce fut son premier combat.

1974... Naissance de leur fils Ludovic, ils étaient fous de joie. Un garçon timide et réservé, leur a apporté beaucoup de joie dans sa courte existence, Ludo (22 ans) est décédé d'un accident de voiture le 20 juillet 1996. Une souffrance qui depuis 10 ans et demi est toujours aussi forte.

1975... Naissance de Nathalie, un bonheur sans précédent, est venue agrandir la famille. Aujourd'hui elle est mariée. Une petite fille Chloé en (1999) et un petit garçon en (2003). La joie d'être grand-mère.

1980... Naissance de Tony, heureuse et comblée. Un enfant joyeux drille qui apportait beaucoup de bonheur. Suite au décès de son frère Ludovic. Tony est devenu malade, diagnostic "tumeur au cerveau" inopérable. Quatre mois de souffrance pour tous, quatre mois ou ils ont vu leur fils se dégrader de jour en jour physiquement et psychologiquement. A la fin de son agonie, le médecin ne lui a pas fait de morphine, et les a laissés en plan. Alors dans son désespoir, elle a débranché le respirateur artificiel pour le délivrer de cette souffrance insupportable. Il était en train de mourir et elle a été la seule à lui porter secours. Tony (22 ans) est décédé le 11 juillet 2002.

Pendant toutes ses périodes de souffrances, elle n’a pratiquement jamais arrêté de travailler. Il lui fallait se raccrocher à la vie coûte que coûte, son mari sombrait dans sa dépendance alcoolique. Il a fait depuis quelques années, des allers et retours entre l'hôpital et la maison. Aujourd'hui elle est fatiguée, et n'aspire qu'à une chose ; pleurer ses enfants, faire son deuil, si elle y arrive... Ses épaules ne peuvent plus porter.
Un espoir illumine ce triste destin, son mari l'épaule en faisant de gros effort pour ne plus boire, il voit qu’elle est au bout de elle-même. Heureusement, l'écriture lui a apporté un soutien énorme, car sans elle, elle ne serait pas là aujourd'hui à écrire.
La foi de croire en la nature et en Dieu, lui a apporté les éléments les plus fondamentaux pour continuer à vivre.

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Wahid Bennani : Bonjour Arlette ! Que faites vous au-dessus de la plaine ?

Arlette Philbois : «Au dessus de la plaine", J'examine, mon passage douloureux, les joies que j'ai connues avec mes enfants, l'amour de mon mari.
Un révélateur de ce qu'à été une vie de couple, avec ses épreuves, car la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Ma réflexion : « Oh, maman si tu m'avais dit, que rien n'est simple dans la vie ». Au dessus de la plaine, il y a ce que je ressens, la tristesse et parfois la joie. La joie de la nature qui m'a aidé dans mon cheminement. C'est pourquoi le titre m'a paru à sa juste valeur. Voir défiler sa propre vie ou rêver aux horizons lointains pour échapper un instant au quotidien.

Wahid.B : On dit bien que l'écriture est une thérapie, mais vous, comment l'avez-vous vécue ?

Arlette.Ph : L’écriture est une thérapie incontestable, elle est le meilleur "médicament" du monde sans effet secondaire. J'ai fait au cours de la disparition de mes fils deux thérapies, chacune d'un an. On peut dire que cela m'a aidé "un peu" pour ne pas sombrer. Ma thérapeute m'a suggérée soit d'écrire, soit de peindre. J'ai essayé les deux, mais j'avoue que je suis pour l'écriture, les mots ont un pouvoir indéniable.
Au départ, la frénésie des mots vous emporte loin de ce que vous pouvez imaginer, au début on écrit un peu de tout et n'importe quoi, tout ce qui vous vient en tête. Cet après plusieurs semaines que les textes se mettent en place de façon plus harmonieuse. Une fois écrits, vous aspirez à vous reposer, à vous d'étendre.

Wahid.B : L'écriture a été pour vous un moyen de vous évader d'une dure réalité ou bien au contraire, de l'affronter telle qu'elle est ?

Arlette Philbois : L’écriture est une évasion, un besoin de créer autre chose que ce qui nous entoure, ce monde noir où tout va de travers. Le poète a besoin d'un monde imaginaire sans oublier la réalité du dehors. Le quotidien vous rappelle. D'ailleurs c’est bien simple, je me sens tellement bien dans mon écriture que je voudrais parfois entrer dans mes mots pour ne plus voir les horreurs de l'extérieur.

Wahid.B : Publier revient à dire partager ses joies et ses souffrances. En avez-vous trouvé un jour le besoin ?

Arlette.Ph : Pour la publication, au début je n'étais pour. Je pensais que mes écrits ne valaient rien. Puis Guy m'a contacté une première fois, j'ai refusé. Et certaines personnes m'ont demandé si j'avais publié ma poésie, ennuyée j'ai répondu non.
Alors comme je pense qu’il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, j'ai décidé
de le faire. Partager mon expérience, apporter une lueur d'espoir, pour les gens qui traversent des périodes difficiles sachent qu'il y a toujours une solution pour s’accrocher à la vie.

Wahid.B : Voilà, pour s’accrocher à la vie, comme vous le dites, n’a-t-on pas besoin de créer un monde parallèle au nôtre avec des sentiers de fleurs et des bouquets de bonheur ?

Arlette.Ph : Oui, pour mon cas, j'ai eu besoin de me créer ce monde parallèle qui est l'écriture. Et puis pour tout vous dire, dans certains de mes poèmes, j'ai été inspirée par mes fils. Comment vous l'expliquez !? C’est le soir au coucher, je pense à eux et d'un coup les mots viennent et s'assemblent comme un puzzle. Les mots sont tellement beaux que je me lève pour les écrire. Dans chaque texte, il y a leur empreinte...
Voyez par exemple, dans "Matin bleu" ou bien encore "Belle campagne" et bien d'autres encore. Oui, ce monde est merveilleux, mais il y a un danger : si on s'y introduit trop, on finit par vouloir y rester pour toujours. Mais ma mission m'y empêche pour le moment.

Wahid.B : L’Abécédaire de l’amour et les poèmes qui sont en rapport avec ce thème omniprésent, ne seraient-ils pas le fief dont rêve tout poète à la recherche du beau ?

Arlette.Ph : Le poète est un solitaire, il n'est pas un seigneur. Bien au contraire c'est un
homme près du peuple. Tous recherchent le beau, la perfection, dans un monde qui n'est pas le nôtre. De nombreux poètes autour d'une table, on voulu refaire le monde, depuis des décennies mais en vain. Alors que leur reste t-il ? Sinon de partager ou d'échanger leurs malheureuses expériences vécues, qui sont plus souvent, à mon humble avis, plus tristes que joyeux. Et voyez vous, j'irais même plus loin dans ma réflexion. On voit si la société est en bonne santé, quand peu d'écrivains viennent à s'exprimer sur un simple bout de papier.

Wahid.B : La poésie exprime les états d’âme, mais il s’avère que les âmes ne se baignent pas toutes dans du miel. En parcourant vos poèmes, on a plutôt tendance à penser au bonheur qu’à la souffrance de l’auteur. Beaucoup de titres le suggèrent.
Quand avez-vous commencé à écrire ?

Arlette.Ph : Mes premiers balbutiements à la poésie, ce fut dans le train qui m'emmenait aux obsèques de mon père le 2 juillet 1982.

Wahid.B : Vous souvenez-vous de votre premier poème ?

Arlette.Ph :

Soif,
Je voudrais boire à la source,
Celle qui illumine nos vies.
Cette eau qui purifie nos âmes.

Par elle,
je vis dans la communion de l'esprit.
Cette eau qui lave et nous remplis
De toute son énergie.
C'est le royaume de l'infini.

Je bois au nectar de la vie
Tous ces mots sont la source
Qui alimente notre corps
Et purifie notre esprit.

Wahid.B : Avoir publié son premier recueil de poésie est sans doute une expérience inoubliable. Qu’en est-il pour vous ?

Arlette.Ph : Oui c'est vrai c'est une expérience inoubliable, et j'en suis heureuse d'avoir pu le faire. Dès que je pourrais, je vous enverrais d'autres auteurs que je connais et qui ont une belle plume. D'ailleurs je remercie Guy et toute son équipe pour le travail remarquable qu'ils ont fait. Si auparavant, je ne l'ai pas fait, c'est tout simplement que certains m'avaient dit que le fait de se faire publier, était une pure perte, car les poèmes ne se vendent pas.

Wahid.B : J’ai parcouru le début de votre « roman » « témoignage » et je trouve que vous avez un talent de romancière. Une fois fini et bien fini, vous le publierez ?

Arlette.Ph : Merci de l'avoir apprécié à sa juste valeur, car il est important pour moi de savoir si je dois continuer. Une fois fini je vous le présenterais.
Revecez toute mon amitié Wahib, et merci pour le temps que vous me consacrez.
Comme vous avez lu une partie de mon témoignage, oserais-je vous demander la préface ?

Wahid.B : Certainement, ce sera avec plaisir et quand vous voudrez.

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Entrevue de Wahid Bennani
poemeencours@yahoo.fr

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Publié dans Entrevues

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